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Le serpent arc-en-ciel

Une légende des aborigènes d’Australie

Au commencement, il n’y avait pas de vie sur terre. Mais sous la surface sommeillait la Grand-Mère serpent, le serpent arc-en-ciel.

Longtemps, très longtemps, elle resta endormie. Puis un jour elle se réveilla, déroula son corps et rampa au-dehors. Tout en ondulant lentement sur la terre plate, aride et déserte, elle se dit : Cet endroit est affligeant !

Alors elle se servit de ses pouvoirs magiques pour faire tomber la pluie. Il plut des jours d’affilés. Des semaines d’affilées. Des mois d’affilés. Des années d’affilées. Et au bout d’un moment, les traces laissées par le corps du serpent arc-en-ciel se remplirent d’eau. C’est ainsi que les longues rivières sinueuses, les billabongs (cours d’eau qui ne s’assèchent jamais) et les points d’eau se formèrent.

Parfois, lorsque le serpent arc-en-ciel avançait, elle enfonçait son nez dans la terre et le sol se surélevait devant elle. C’est ainsi que les montagnes, les collines et les vallées se formèrent. A certains endroits, le lait de ses seins s’infiltrait dans la terre et la rendait fertile. Là, de grandes forêts tropicales poussèrent, ainsi que toutes sortes d’herbes et des tapis de fleurs multicolores.

Quand le serpent arc-en-ciel eut créé un univers à sa convenance, elle retourna dans les entrailles de la terre et réveilla les créatures qui continuaient à y dormir.

Elle réveilla d’abord les mammifères et les conduisit vers les endroits les mieux appropriés pour eux. Les dingos, qui n’avaient pas besoin de beaucoup d’eau, elle les emmena dans le désert. Les kangourous, qui aimaient les herbes et les feuillages, elle les emmena dans le bush (arrière-pays peu habité). Et les rainettes, qui aimaient le frais, la pénombre et l’humidité, elle les emmena dans la forêt tropicale.

Puis elle réveilla les oiseaux. Les aigles, qui savaient voler haut et loin, elle les emmena dans les montagnes. Les cacatoès rosalbins, capables de voler uniquement sur de courtes distances, elle les emmena dans les billabongs, et les émeus, qui ne volaient pas du tout, elle les emmena dans les plaines, où ils pouvaient courir sans limites. Puis elle réveilla et fit sortir les créatures qui vivaient dans l’eau. Elle emmena les barramundis (poissons) dans les rivières, les grenouilles dans les mares, et les tortues dans les lagons.

Ensuite, elle réveilla les insectes et les arachnides : aux fourmis, scarabées, araignées et scorpions, elle montra les rochers, les fissures, les endroits sablonneux les mieux adaptés à leur condition. Et tout à la fin, elle fit sortir une femme et un homme. Elle les emmena dans un endroit regorgeant de choses à boire et à manger, et leur enseigna les usages auxquels ils devaient se plier.

Ce que leur transmit le serpent arc-en-ciel était très simple. Elle leur apprit qu’ils devaient respecter toutes les créatures vivantes. Car le kangourou, le cacatoès et le barramundi étaient leurs cousins, des enfants issus de la même création. Et elle leur expliqua qu’ils devaient respecter la terre et en prendre soin. Car ces rochers, ces arbres et ces points d’eau étaient sacrés, puisqu’ils faisaient partie, eux aussi, du monde qu’elle avait créé.

Et avant de retourner dormir sous la surface de la terre, le serpent arc-en-ciel mit en garde la femme et l’homme. Elle leur rappela qu’ils n’étaient pas propriétaires de la terre, qu’ils en étaient les gardiens. Et elle ajouta que si, par avidité ou par plaisir, ils abusaient de la terre au lieu d’en prendre soin, alors elle devrait peut-être ressortir et créer un nouveau monde. Et dans ce nouveau monde, la femme et l’homme n’auraient pas de place.